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INCARNATION n. f. (du latin incarnatio)

Union à la chair. Théologiquement, démarche caractéristique (qui fait l'objet d'un des principaux mystères de la religion catholique) par laquelle la Divinité a témoigné de son attachement à la créature et coopéré à sa rédemption, en s'unissant à un corps humain. Jésus-Christ est le Dieu incarné des chrétiens. « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous » (Saint Jean). Le dogme de l'Incarnation, attaqué par de nombreuses hérésies (Apollinaire, Nestorius, Eutychès, etc.) et formulé par les conciles d'Ephèse, de Chalcédoine et de Constantinople (680), est demeuré, au XVIème siècle, à l'écart du grand schisme, Luther et Calvin ne l'ont pas contesté. Et les tendances réformatrices issues du protestantisme ont respecté l'essentiel de la doctrine… (Noël est la fête de l'Incarnation).

Sur ce point comme en beaucoup d'autres, le christianisme n'a fait qu'emprunter, en la rajeunissant, une des formes de leur culte aux religions du passé. Les animaux sacrés de l'Egypte - le bœuf Hâpi, notamment - étaient des incarnations divines. Le brahmanisme avait ses descentes sur terre, ses avatars : Vishnou s'est, à plusieurs reprises, incarné... L'incarnation participe d'une tenace anthropolâtrie. Et les religions, en donnant à Dieu - même accidentellement - des attributs corporels familiers, et plus spécialement humains, répondent à cet irrésistible besoin des foules dont le mysticisme n'abandonne jamais le concret et qui prêtent volontiers au « maître de leurs destinées » leurs traits plus ou moins idéalisés...

Pour le spiritisme, l'incarnation est l'opération par laquelle un esprit prend possession d'un corps et l'anime. Le spiritualisme a ressuscité, pour des besoins de finalité qui ne sont souvent que les tergiversations de la foi, une sorte de métempsychose et voit la perfectibilité des âmes à travers le processus des réincarnations. Il a abandonné, pour le seul réceptacle humain, l'habitat hétéroclite des Hindous. Certaines philosophies idéalistes voient la progression des âmes, après le passage terrestre, se réaliser dans l'immatériel en une ascension indéfinie vers Dieu. Il y a, en toutes ces théories, une préoccupation commune de survie plus ou moins accompagnée de conscience. Elles cherchent à retrouver, en accord avec leur ligne préconçue, le cours d'une évolution en travers de laquelle la mort jette d’indifférentes solutions de continuité. La dispersion matérialiste de l'effort les effraie dans son hétérogénéité, et elles cherchent au fond de leurs aspirations la concordance apaisante d'une harmonie divine...

Au figuré, incarnation veut dire représentation - dans un être humain - la plus complète ou la plus significative d'un type, d'une qualité. Louise Michel fut l'incarnation du dévouement à la cause du peuple. C'est pour une force, un esprit dominant, prendre une forme matérielle et visible. « Toute grande époque s'est incarnée dans un homme », a dit E. de Girardin. C'est une extériorisation, la preuve parfois d'une activité insoupçonnée. « Les faits humains sont l'incarnation des idées humaines », disait Proudhon.



- L.